Mon Romazava – par Vonjy

Le romazava est un plat typique malgache, dont s’est entiché la bourgeoisie pour marquer sa « malgachéité ». Comme la bouillabaisse à son origine, le romazava est un plat des pauvres, un bouillon de fin de mois, celui qu’on concocte quand on n’a plus un sou. Alors pourquoi faire un romazava avec trois viandes ? Quelle idée d’acheter des brèdes* nobles pour le cuisiner ? Les mœurs ont changé car celui de mon enfance était composé des brèdes sauvages ramassées dans le jardin : anatsinahy, anamamy, rambomanga... Ici, c’est du gâchis d’y mettre des beaux morceaux de bœuf. Une hérésie d’y ajouter de la viande de porc. Du gaspillage d’y plonger des crevettes alors qu’une petite poignée de patsa suffit largement pour embaumer ce plat maison qu’on cuisine quand la bourse est vide. D’ailleurs, romazava veut dire bouillon clair, et on le sert rarement dans les petites gargotes où l’on accompagne plutôt le riz et la viande avec le romatsatso, bouillon fade. Mais les temps ont changé, le romazava est entré dans les classiques de la grande cuisine malgache et de la cuisine de l’océan indien jusqu’à l’île de la Réunion, importé par les marrons. Le romazava s’est enrichi, il s’est invité à la table des vazahas, fier d’être servi à la fourchette. Heureusement, il reste encore son cousin germain le « vary amin’anana » (soupe de riz avec les brèdes), fidèle à son origine et qui n’a pas encore pris la grosse tête, mais jusqu’à quand ?

Vonjy